mardi 3 février 2009

Intervention au sujet de la soi-disant "décentralisation"

Conseil de Paris : Séance du lundi 2 février 2009
Communication du Maire de Paris
DDATC 2009-41

Intervention d’Edith Cuignache-Gallois, conseiller de Paris Centre et Indépendants.

Je voudrais revenir sur le fondement même de votre projet de réforme. Car, derrière la question de l’image « du sympathique maire décentralisateur », se joue quelque chose de radicalement inverse, qui fait tomber le masque de vos intentions : à savoir, le renforcement des pouvoirs de l’administration parisienne et une certaine idée de la démocratie.
Mais avant cela, j’aimerais vous féliciter pour votre capacité à anticiper le temps politique. Car, il n’y a pas de hasard. Comme la démarche est habile de présenter votre réforme de décentralisation aujourd’hui ! Toute juste au moment de la Commission Balladur et juste avant que ne soit dévoilé le plan gouvernemental pour un Grand Paris, derrière lequel Jean-Paul Huchon vient d’ailleurs de se ranger.
Parce que le véritable titre de votre communication en réalité, ce devrait être : « comment sauver Paris Métropole ». A la fois tenter de rallier les maires d’arrondissement à votre projet, qui semble battre de l’aile, et parvenir à verrouiller les arrondissements et le pouvoir central tant qu’il en est encore temps.

Un renforcement de l’administration centrale
Il est en premier lieu le résultat d’une réforme qui, sous des allures de transfert de pouvoirs aux arrondissements, ne leur confie que des miettes, pour reprendre d’une main ce qu’elle peut saupoudrer de l’autre. Le seul pouvoir qui vaille, c’est celui de décision ou de la codécision. Ma collègue a pu le montrer dans le domaine de la propreté. Or, vous ne proposez rien de tout cela. Le dialogue et la consultation, voilà ce à quoi vous réduisez les arrondissements ! Certes, une bonne gouvernance ne saurait s’en passer, mais elle ne pourra jamais se limiter à cette simple idée. Le seul domaine dans lequel vous concédez véritablement de nouveaux moyens est d’ailleurs révélateur de vos intentions : c’est celui des missions d’information locale. Alors effectivement, c’est une chose sur lesquels les parisiens doivent pouvoir compter, mais, on voit bien, à travers la présentation de votre communication, la tentation de cantonner les mairies d’arrondissement à cette charge : plus de moyens pour des relais info famille, plus de moyens pour réorganiser l’espace mairie, plus de moyens pour l’info logement avec un cadre technique rattaché à la mairie… Très bien, encore ne faudrait-il ne pas se limiter à cela. On ne peut pas transformer les mairies d’arrondissement en de « grand centres d’accueil » ou de simples relais d’information.
Mais le renforcement de l’administration centrale réside avant tout dans la création du poste de coordinateur de l’espace public au sein de chaque arrondissement. Premièrement, on aurait pu penser que le directeur de cabinet du maire représentait par excellence celui qui aurait été le plus à même d’être le coordinateur de son arrondissement. Pourquoi faire appelle à un fonctionnaire et non à un élu ? Il y a là clairement, Monsieur Le Maire, une reprise en mains par les directions au détriment des élus. Il s’agit d’une véritable dépossession du maire d’une partie de son rôle. D’autant plus que ce coordinateur ne sera tenu, je vous cite, « que de rendre compte au maire d’arrondissement de l’avancement de son travail ». En clair, le politique est désormais subordonné au pouvoir des directions.
Une autre preuve de la tentation de main mise du pouvoir central sur les mairies d’arrondissement réside dans l’idée d’une Charte des arrondissements. Alors que l’esprit de décentralisation laisserait à penser une plus grande ouverture et liberté aux arrondissements dans leur gestion au quotidien, cette Charte apparaît, à la façon de la Charte des conseils de quartier, comme le moyen d’encadrer et de peser les règlements intérieurs des arrondissements.

Voilà un premier résultat de votre réforme de décentralisation. Mais c’est avant tout l’esprit sur lequel votre projet repose que je voudrais dénoncer : il trahit une conception de la vie démocratique avec laquelle je suis en profond désaccord.
Pour deux raisons : d’une part, il aggrave la situation des élus d’opposition dans les mairies d’arrondissement, qui n’était déjà pas bien fameuse ; d’autre part, il affaiblit fondamentalement la démocratie représentative au profit d’une certaine vision de la démocratie participative.

Je voudrais noter ici qu’aucune référence n’est d’ailleurs faites à l’attention des élus d’opposition dans les arrondissements. Comment sérieusement envisager une réforme de proximité vers les arrondissements, si rien n’est prévu pour garantir le respect des droits de ces élus d’opposition ? Monsieur Le Maire, trouvez-vous normal que des élus d’opposition dans un conseil d’arrondissement n’aient aucun moyen de rencontrer les services de la mairie dans laquelle ils sont pourtant élus ? Trouvez-vous normal qu’un groupe d’élus d’opposition ne puisse pas disposer d’un bureau dans la mairie d’arrondissement pour assurer une permanence et rencontrer les électeurs ? Je vous parle en connaissance de cause, croyez en mon expérience dans le 13ème arrondissement, où l’on rencontre les pires difficultés à travailler, tout simplement.
L’idée d’attribuer aux mairies d’arrondissement les subventions aux associations d’intérêt strictement local apparaît à cet effet autant comme un risque que comme un progrès. Un risque de clientélisme en réalité ! D’abord parce que tout l’enjeu est de définir la liste des associations qui répondent à la notion « d’intérêt strictement local ». Travail fondamental, auquel seuls les maires pourront participer. Risque de clientélisme aussi, parce, vous le savez très bien, les votes en conseil d’arrondissement sont souvent des chambres d’enregistrement dans lesquels les élus se prononcent sur des subventions sans véritablement connaître les associations qu’ils financent. Voilà où se trouve le déficit démocratique auquel il aurait fallu d’abord s’attaquer. Dans ce contexte, comment un élu d’opposition, qui n’a que très difficilement accès aux données sur ces associations et dont on lui délivre les informations au compte-goutte, peut-il jouer son rôle ? Je vous réponds : c’est strictement impossible.

Un dénigrement du rôle de l’opposition dans les mairies d’arrondissement
Car, au mieux, cette réforme ne s’adresse qu’aux maires.
Mais aussi, un affaiblissement et une dévalorisation de la démocratie représentative. C’est bien simple, à la lecture de votre projet, on s’aperçoit que la distinction entre démocratie représentative et participative demeure étrangement floue. Vous finissez par mettre sur le même plan le conseil d’arrondissement et le conseil de quartier. Comment nier que ce n’est pas l’esprit qui sous-tend cette réforme ? Des conseils d’arrondissement, pas un mot ; aux conseils de quartiers, de nouveaux crédits d’études, l’association à la définition des priorités d’investissements localisés. Il y a dans cette façon de procéder un comportement électoraliste.
Monsieur Le Maire, si vous croyez les conseils d’arrondissement inutiles, pourquoi ne pas purement et simplement les supprimer ?
La démocratie, je le crois profondément, c’est avant tout l’élection par le suffrage universel. Les conseils de quartier, tout utiles qu’ils sont, ne doivent venir qu’en complément dans la vie démocratique. Leur représentativité pose bien souvent question et tend, quelque soit la couleur politique de l’arrondissement, à téléguider les décisions qui y sont prises.

Il me semble vraiment que la démarche entreprise ne soit pas la bonne. Elle produirait l’effet contraire que vous proclamez : un renforcement du pouvoir central sous couvert de réforme de proximité. Mais, avant tout, votre réforme n’apparaît pas à la dimension des enjeux du problème parisien : on ne peut se contenter de saupoudrage. Nous attendons une véritable réforme des pouvoirs d’arrondissements.
Il nous semble indispensable que soit engagée une réflexion globale sur la vision de Paris, s’intégrant dans la perspective de la Commission Balladur et de la réforme des collectivités locales prévue en septembre au parlement. Dans ces conditions, une réflexion générale, à laquelle tous les groupes représentés au Conseil de Paris participeraient, doit être mise en place. C’est avec un sincère esprit constructif que nous faisons cette proposition. Mais, si vous continuez à vous enfermez dans votre fortin, nous ne pourrons soutenir ce projet.

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